Aujourd’hui, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (« CPI ») a rendu sa décision à propos de la requête de la Procureure concernant la juridiction de la CPI sur la déportation alléguée du peuple Rohingya du Myanmar au Bangladesh. Cette décision suit en grande partie les observations du PCJI soumises à titre d’amici curiae en juin 2018.
Dans sa décision, la Chambre a d’abord déterminé « qu’elle avait le pouvoir de connaître de la requête » conformément à l’article 119(1) du Statut de Rome de la CPI (« le Statut ») ainsi qu’au principe de la « compétence de la compétence ». La Cour a ensuite décidé que le Statut « énonçait deux crimes distincts » (le transfert forcé et la déportation) et que la Cour « pouvait […] exercer sa compétence si l’un des éléments d’un crime visé à l’article 5 du Statut ou si une partie d’un tel crime étaient commis sur le territoire d’un État partie au Statut ».
La Chambre a donc décidé que « la Cour était compétente pour connaître du crime contre l’humanité que constitue la déportation et qui aurait été commis contre des personnes appartenant au peuple rohingya » parce « qu’un élément de ce crime (le passage d’une frontière) a eu lieu sur le territoire d’un État partie au Statut (le Bangladesh) ». Elle a aussi reconnu que « la Cour pouvait exercer sa compétence à l’égard de tout autre crime visé à l’article 5 du Statut, tels que les crimes contre l’humanité que constituent la persécution et/ou d’autres actes inhumains. »
Le juge Perrin de Brichambaut, dissident, estime que les articles 19(3) et 119(1) du Statut « sont inapplicables » et « que le principe de « la compétence de la compétence » ne saurait pas non plus servir de fondement à la décision rendue par la Chambre ». Il « estime que la Cour ne peut, à ce stade, se prononcer sur sa compétence à l’égard de la déportation alléguée du peuple rohingya du Myanmar au Bangladesh, mais qu’il reste loisible au Procureur de présenter à la Chambre préliminaire une demande d’autorisation d’ouvrir une enquête ».
Cette décision suit en grande partie l’analyse proposée par le PCJI le 18 juin 2018 à la CPI à titre d’amici curiae. Cette analyse soutenait la position de la Procureure et abordait spécifiquement trois points distincts : premièrement, la portée de l’article 19(3) et les pouvoirs de la Procureure de demander un jugement sur la juridiction avant qu’une situation ne lui ait formellement été assignée; deuxièmement, la portée de la juridiction territoriale de la CPI en vertu de l’article 12(2); et, troisièmement, la portée du crime de déportation selon l’article 7(1)(d) du Statut de Rome.
Documents pertinents :
- La décision de la Chambre préliminaire;
- L’opinion partiellement dissidente du juge Perrin de Brichambault;
- La réponse de la Procureure aux observations formulées par les participants intervenus;
- Les observations du PCJI à titre d’amici curiae;
- Le communiqué de presse de la CPI;
- Le programme “#AsktheCourt” de la CPI.