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Le Partenariat canadien pour la justice internationale remporte le Prix Partenariat 2022 du CRSH

By Communiqués de presse, CPIJ in the Media, Nouvelles, PCJI dans les médias, Press Releases

Aujourd’hui, 1er décembre 2022, le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) remettra le Prix Partenariat 2022 au Partenariat canadien pour la justice internationale (PCJI) lors d’une cérémonie télédiffusée qui se tiendra au Musée canadien de la guerre, à Ottawa.

Ce prix souligne la contribution d’un partenariat financé par le CRSH qui, grâce à la collaboration et à la mise en commun du leadership intellectuel et des ressources, a eu une influence et un impact au sein ou à l’extérieur du milieu de la recherche en sciences humaines. Cette distinction est l’un des cinq prix remis dans le cadre des Prix Impacts soulignant les réalisations des meilleurs chercheurs et chercheures en sciences humaines du Canada.

Dirigé par la professeure Fannie Lafontaine (Université Laval), le PCJI est un partenariat pancanadien regroupant 25 chercheures et chercheurs provenant de 8 universités, 4 cliniques juridiques universitaires et 3 organisations non gouvernementales, qui vise à renforcer l’accès à la justice pour les victimes de crimes internationaux, comme le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Les activités du PCJI ont été l’occasion d’insister sur l’urgence d’agir face aux crises violentes pour prévenir la commission d’atrocités, réprimer les responsables, réconcilier les victimes et les auteurs de crimes, et identifier les causes profondes de ces crises afin de parvenir à une paix stable. Partout, dans les forums spécialisés ou sur le terrain au plus près des intervenants et intervenantes, le PCJI a regroupé, formé, informé, mis en contact et sensibilisé des milliers de personnes.

En plus de contribuer à la défense des droits humains et à la construction d’une société juste et inclusive, il a changé la façon de faire de la recherche en mettant en place une collaboration intersectorielle entre les universités, les cliniques juridiques, les ONG et les organisations internationales qui permet un regard croisé sur les défis de la lutte contre l’impunité, où l’expertise de chacun.e est partagée et nourrie par celles des autres.

Grâce à cette approche collective et inclusive, le PCJI a favorisé l’accès à la justice pour les victimes de graves violations des droits humains. Ses travaux ont été des jalons de la lutte contre le racisme et la discrimination systémiques au Canada et ailleurs. En organisant plus de 60 événements de toute sorte et en produisant plus de 200 textes scientifiques diffusés en plusieurs langues, notamment auprès de la société civile, à l’aide d’articles publiés dans les médias et les blogues et d’entrevues, il a accru les connaissances sur la justice internationale et sensibilisé la population à la lutte contre l’impunité.

Il a notamment contribué à créer une cohorte multinationale d’étudiantes et étudiants (dont 600 formés en cliniques juridiques) dotés de connaissances, d’une formation pratique et d’un réseau diversifié, qui incarnent le futur de la justice internationale.

Ce prix, qui est assorti d’une subvention de 50 000 $, permettra au PCJI de poursuivre et promouvoir ses travaux de recherche.

Lost in the SNC-Lavalin controversy are the Libyan victims

By Nouvelles, PCJI dans les médias

Joanna Harrington | Policy Options | 21 August 2019 |

Any financial penalties would be paid in Quebec. But prosecutors need to find a way to provide redress for the foreign victims of economic crime.

The SNC-Lavalin affair is about many things. It’s about conflict of interest, pressure from the prime minister and whether to split the roles of the attorney general and the minister of justice. It’s also about the collateral impact of a corporate prosecution on employees, pensioners and shareholders. And it’s about corporations lobbying to change the Criminal Code and retaining former judges whose star power gets them a chat with a minister’s officials. All of these themes can be found in the Ethics Commissioner’s report of August 14, 2019.

Travail forcé en Érythrée : une minière canadienne devant la Cour suprême du Canada

By PCJI dans les médias

Timothé Matte-Bergeron | Radio-Canada

La mine Bisha est située en Érythrée, un pays de l’est de l’Afrique. Photo: Nevsun Resources

La Cour suprême du Canada tient des audiences mercredi dans une cause concernant une compagnie minière dont le siège est à Vancouver, Nevsun Resources, et des réfugiés érythréens qui exigent réparation pour la violation alléguée de leurs droits fondamentaux par la compagnie.

L’affaire pourrait créer un précédent important en matière d’imputabilité des compagnies minières canadiennes à l’étranger.

« C’est la première fois que la Cour suprême du Canada se penchera sur la compétence des cours canadiennes dans un dossier de poursuite civile contre une compagnie minière canadienne, pour des violations des droits de la personne survenues dans un pays étranger », explique François Larocque, professeur de droit à l’Université d’Ottawa et conseiller juridique pour l’organisation Amnistie internationale, qui a le statut d’intervenante à la cour.

Des allégations de travail forcé

Dans une poursuite déposée en 2014 devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, trois réfugiés érythréens affirment avoir été forcés de travailler à la construction de la mine Bisha en Érythrée, détenue à 60 % par Nevsun Resources. Ils allèguent que leurs droits fondamentaux ont été violés par la compagnie et qu’en plus de les forcer au travail, on les a battus et torturés.

Des documents déposés en preuve en novembre dernier devant le tribunal de première instance suggèrent que de hauts dirigeants de Nevsun Resources étaient au courant que certains travailleurs de la mine ont été recrutés de force.

La mine Bisha se trouve en Érythrée, dans la corne de l’Afrique. Photo : Nevsun Resources

Nevsun Resources nie ces allégations, et conteste depuis le début des procédures la compétence qu’ont les tribunaux canadiens d’entendre la cause, plaidant qu’elle doit être entendue en Érythrée, un pays de la corne de l’Afrique dirigé par un régime dictatorial brutal.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté cette position, une décision confirmée par la Cour d’appel. Les allégations à proprement parler n’ont toutefois pas été prouvées devant les tribunaux.

La compétence des tribunaux canadiens en jeu

C’est sur la question de la compétence des cours canadiennes que se prononcera la Cour suprême du Canada.

Une collègue de François Larocque, Jennifer Klinck, qui représente Amnistie internationale devant le plus haut tribunal canadien, juge « très probable » qu’il emboîtera le pas aux deux autres cours.

« Si [la Cour suprême du Canada] donne raison à Nevsun, cette cause ne pourra pas procéder en Colombie-Britannique, ni, en réalité, en Érythrée », affirme-t-elle.

Une « porte ouverte »?

Une décision favorable de la Cour suprême du Canada créerait un précédent qui pourrait être lourd de conséquences pour les compagnies canadiennes.

« Ce qui est intéressant, c’est que [les plaignants ont] plaidé du droit international : de la torture, de l’esclavage, du travail forcé, qui sont prohibés par la coutume internationale », souligne François Larocque.

« [Si la Cour suprême rejette l’appel de la compagnie Nevsun], ça va envoyer un message important aux multinationales canadiennes qui opèrent dans un pays étranger […], dit-il, qu’ils ne peuvent pas penser qu’ils pourront échapper à la justice canadienne si on peut démontrer qu’elles sont responsables de violations des droits de la personne. »

Selon l’avocat Luis Sarabia, qui représente l’Association minière du Canada, intervenante dans l’affaire, la Cour suprême devrait rester prudente quant à l’incorporation des coutumes internationales dans le droit canadien.

« Cela pourrait créer de l’incertitude dans notre système juridique », affirme-t-il.

L’Association, dans son mémoire présenté en cour, craint les impacts de la décision pour ses membres. « L’industrie minière et l’économie canadienne dans son ensemble pourraient être touchées de manière négative », est-il écrit.

La compagnie Nevsun Resources plaide que le tribunal devrait « laisser une telle décision [de permettre une poursuite fondée sur la coutume internationale] au Parlement ».

Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1148457/travail-force-erythree-miniere-canada-nevsun-resources-cour-supreme

The sovereignty of states and multinational corporate accountability

By CPIJ in the Media, PCJI dans les médias

Justin Ling | The National

In 1897, a U.S. citizen living in Venezuela, George F. Underhill, brought a suit in a New York court to recover damages against the revolutionary Venezuelan General Hernandez, who had occupied part of the country and had effectively tried to nationalize his business.

Damage was done, the American claimed, and he wanted to be made whole.

The U.S. Supreme Court ultimately ruled against Underhill, in a decision that would enshrine the Act of State Doctrine as a general rule of thumb for modern Western legal systems.

“Every sovereign State is bound to respect the independence of every other sovereign State, and the courts of one country will not sit in judgment on the acts of the government of another done within its own territory,” U.S. Chief Justice Melville Fuller then wrote.

Later this month, the Supreme Court of Canada will hear Nevsun Resources v Gize Yebeyo Araya, a case that will put the Act of State Doctrine to its first test in a Canadian court.  The case will serve to gauge the extent to which international human rights law has a footing in the Canadian legal system.

Abuse, torture, conscription

To read Nevsun Resources’ profile of its Bisha mine, nothing sounds amiss at all. The mine is located in the middle of Eritrea, on Africa’s northeast coast. A joint project between Nevsun and the government of Eritrea, it extracts copper, zinc, gold, and silver.

“The government of Eritrea continues to show its strong support to the development of mining as an important sector of its national economy,” Nevsun’s website reads. It reports that the country is a “single party state,” without mentioning that Eritrea is one of the most repressive states in the world.

A 2018 Human Rights Watch report concluded that the country functions as a “one-man dictatorship” and that “it has no legislature, no independent civil society organizations or media outlets, and no independent judiciary.”

What’s more, the NGO reports, “every Eritrean must serve an indeterminate period of ‘national service’ after turning 18, with many ending up serving for well over a decade.” Often, that amounts to “work as forced laborers on private and public works projects.”

The three litigants bringing the case before the Supreme Court are refugees from Eritrea — two currently living in the United States, and one a permanent resident of Canada.

The three allege they were pressed into “national service.”

A factum filed in advance of the January 23 hearing reads: “They allege that during the construction of the mine, they were forced to work in inhumane conditions and under the constant threat of physical punishment, torture, and imprisonment.”

Those claims have not been proven in court.

Torts, existing and novel

In light of the alleged abuses visited on its workers, the three refugees sought to bring a claim against Nevsun in a B.C. court.

Their factum lays out their argument that Nevsun was complicit in “assault, battery, conversion, unlawful confinement, and negligence.” Those are, they note, existing torts in Canadian common law.

And this is where the argument gets interesting. The claim is seeking to enter in an array of other claims, based in customary international law. They’re alleging not just that Nevsun is guilty of allowing forced labour, slavery, crimes against humanity, and cruel, inhuman, or degrading treatment, but that such actions are actionable in Canadian courts.

François Larocque is a law professor at the University of Ottawa and serves as counsel with Power Law and has written the book — in fact, several books — on how international human rights can be incorporated into Canadian law. He is also serving as co-counsel for Amnesty International, who has been granted leave to intervene on the Nevsun case.

“There is a definitely a tort here,” he argues. The real question, he says, is whether this case, should it be allowed to proceed, should rest only on “garden-variety torts,” or whether it can enter in these new torts rooted in international law.

“I have long held the view that Canadian courts can and should use their inherent jurisdiction to recognize new categories of liability based on customary international law,” he says. He cites R v Hape, from 2007, a case in which the majority concluded that “customary international law should be incorporated into domestic law in the absence of conflicting legislation.” Says Larocque: “Our side believes that Nevsun is such a case.”

The Act of State Doctrine

Nevsun sought to have the case dismissed at its first stage.

The company countered that the Act of State Doctrine protects it from such claims; that the torts based in customary international law could not be litigated; that Canadian courts were not the appropriate forum; and that the suit could not be considered a representative action.

At trial, Nevsun failed in its effort to have the case dismissed either on the basis of the Act of State Doctrine or on the basis that the torts being alleged couldn’t be entered into Canadian common law. The British Columbia Court of Appeal also rejected Nevsun’s appeal to dismiss the suit.

Nevsun’s claim of forum non conveniens was rejected by both courts and isn’t being appealed to the top court. The respondents abandoned their claim that the suit is a representative action and have instead added 80 plaintiffs, over 10 separate actions.

Nevsun’s invocation of the Act of State Doctrine is novel in Canadian courts, but — as the 1897 suit against the Venezuelan general shows — it’s a very old concept. The company contends in its written arguments that the case can’t even be heard, as “adjudicating those claims will inevitably require a Canadian court to rule on the lawfulness of the official acts of the State of Eritrea.” It’s an argument, Nevsun says, that is central to international comity. Ruling on the lawfulness of Eritrea’s national conscription service would turn Canadian courts into “arbiters of foreign states’ international and domestic obligations.”

Nevsun also invokes R. v Hape, in which the majority court wrote that “to preserve sovereignty and equality, the rights and powers of all states carry correlative duties, at the apex of which sits the principle of non-intervention.”

And non-intervention is the best policy here, Nevsun says.

At the Supreme Court of British Columbia, that application of the doctrine was labelled as “draconian” by the presiding justice.

“I think it’s going to be a hard road for them,” says Penelope Simons, an associate professor of law at the University of Ottawa who is Larocque’s co-counsel representing Amnesty International at the Supreme Court later this month. “It’s not something the Canadian courts have ever applied.”

Larocque also figures there is little judicial appetite for the doctrine. Frankly, he says, it’s not crucial to Canadian law. “Most cases in which it can potentially be said to arise can be dealt with under the law of state immunity, which is a much more established framework.”

What’s more, as the respondents point out, the United Kingdom and Australia have already limited the doctrine in almost precisely the manner that is being requested here.

Open the floodgates?

Should the Supreme Court take the same view, limiting the application of the Act of State Doctrine, the conclusion would be that torts based in customary international human rights law can be tried in Canadian courts. This would represent a significant shift in the law, especially for the mining companies that call Canada home.

The outcome of two other cases before the courts could be affected, depending on how the court finds in Nevsun — one against Tahoe Resources, and another against Hudbay Resources.

Should the respondents carry the day, it will represent one of the first times that a case of this nature will actually proceed to the merits.

“It would be important because it could potentially eliminate some of the obstacles in bringing some of these cases to Canada,” Simons says.

If those obstacles are to be dismantled, Nevsun argues, it should be up to Parliament to decide. Even recognizing those torts based in international law is “a major and complex revision to domestic common law.”

Simons pushes back on this reasoning. “Not all cases of corporate misdemeanour can be turned into civil suits,” she told CBA National. “You’re not going to have the facts for some of these types of cases.” Never mind that the prohibitive cost of bringing these cases forward before they can even be argued on the merits.

According to Larocque, it’s not going to be a free-for-all if the plaintiffs win. He adds that a lot will be determined by the top court’s phrasing. If they craft an opening for these new, international, torts, “I expect they will do so cautiously and with clear parameters for the future.”

Even then, there are limitations on what types of international law could be deployed in Canadian common law. Not every UN treaty can be wedged into a tort, Larocque says. To be employed in such a way, a prospective litigant would need to establish that, “the treaty has been fully implemented by Canada through legislation; the treaty contemplates the possibility of civil remedies through the courts; and the treaty applies [to] the specific alleged violation.”

Also, limiting the scope of the Act of State Doctrine and entering those torts into the common law doesn’t necessarily mean a flood of cases are on the way.

“There are legal obstacles, but there are also practical obstacles,” Simons says.

Daniel Baum, a lawyer with Langois in Montreal, says Nevsun v Araya may not be one-of-a-kind — but it’s pretty close. “The facts here are quite specific,” he says. Finding these kind of situations are like “catching lightning in a bottle.”

A blinking radar

Ultimately, what the court says, and how it says it, is going to mean a lot for Canadian-based companies operating abroad.

If the court allows the case to proceed on its merits, virtually every Canadian company carrying on business in states with poor human rights records may have to significantly reassess their liability.

“The radar is already blinking,” Baum says. “Now it’s a matter of waiting for how the court is going to pronounce itself, so companies can have a better sense on how to react to this.” He emphasizes that it’s not a matter of will companies react to the decision, it’s how.

Even if the litigants lose, companies will need to start preparing. Short of the court writing a unanimous decision endorsing the Act of State Doctrine — an unlikely scenario —the courts appear to be leaning towards some integration of international human rights law into Canadian common law.

Liability will drive companies to draft guidelines, policies, and procedures to minimize that risk, Baum expects. But could also dictate how, and where, companies pursue new ventures.

“Right now, uncertainty is at its height.”

Source: http://www.nationalmagazine.ca/Articles/January-2019/The-sovereignty-of-states-and-multinational-corpor.aspx

Penelope Simons et comment obliger les entreprises à respecter les droits de la personne

By Nouvelles, PCJI dans les médias

Yves Faguy | ABC National

Cette semaine, le Corporate Human Rights Benchmark (CHRB) a publié son rapport de 2018 qui conclut que la plupart des 100 compagnies évaluées ne respectent pas leurs obligations en vertu des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme de l’ONU. Avant la publication du rapport, le National de l’ABC s’était entretenu avec la professeure Penelope Simons de l’Université d’Ottawa quant à la manière de gérer l’enjeu de la complicité corporative face aux abus aux droits de la personne. Me Simons est récipiendaire du prix Walter S. Tarnopolsky de 2018 et reconnue pour sa contribution au domaine des droits de la personne tant au pays qu’à l’étranger.

ABC National: Pouvez-vous d’abord nous donner une idée du point où nous en sommes quant à la responsabilité corporative à l’égard des violations des droits de la personne?

Penelope Simons : Ça fait plusieurs décennies que cette question est débattue à l’échelle internationale. Mais au début des années 2000, la Sous-Commission des Nations unies pour la promotion et la protection des droits de l’homme a adopté le Projet de normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises, qui a été soumis à ce qu’on appelle aujourd’hui le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Or, l’OHCHR l’a rejeté. Les normes étaient rédigées en langage coercitif et étaient essentiellement le prélude à un traité qui imposerait des obligations aux joueurs du monde des affaires. Tant les États que les entreprises étaient contre le développement de telles obligations. Puis, John Ruggie, un professeur de Harvard, a été nommé Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises. Il a développé un cadre stratégique et les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme afin d’adopter ce cadre stratégique. Le Conseil des droits de l’homme l’a unanimement endossé en 2011. C’était un immense pas en avant, parce que nous avions ce document largement accepté sur les droits de la personne et les entreprises. Mais les Principes comportent aussi certaines lacunes.

N : Lesquelles?

PS : Ils n’ont pas suffisamment modifié le statu quo, en ce sens qu’ils énoncent les obligations des États en matière de droits de la personne, qui consistent à protéger les individus et les groupes contre les violations par les entreprises. En même temps, les « obligations » énoncées dans les Principes directeurs reposent sur une responsabilité sociale et non juridique. Afin de démontrer qu’elles remplissent cette obligation de respecter les droits de la personne, les entreprises doivent mener une vérification quant au respect des droits de la personne, entre autres. Mais à moins que cela ne soit mandaté par un État ou par le droit international, ils peuvent choisir de le faire ou non. En d’autres termes, leur obligation sociale en est une d’autorégulation. En outre, les principes directeurs énonçaient une vision très conservatrice de l’obligation des États de réglementer les activités transnationales de leurs ressortissants au-delà de leur territoire.

N: Donc est-ce que les États d’où proviennent les entreprises – et pas uniquement les États hôtes – devraient les adopter en tant qu’obligations légales?

PS: Oui, les États devraient adopter des mesures pour réglementer leurs entreprises nationales afin de s’assurer qu’elles ne violent pas les droits de la personne lorsqu’elles exercent leurs activités dans d’autres pays.

N: Comment se porte le Canada dans tout cela et comment se compare-t-il aux autres pays?

PS: Je ne pense pas qu’il y ait un pays qui en fasse suffisamment. La France a probablement la loi la plus progressiste, où les entreprises d’une certaine taille ont l’obligation de préparer un plan de surveillance et de le mettre en œuvre au sein de leur organisation et de leur chaîne d’approvisionnement. Pour le Canada, nous avons 20 ans de travail d’organismes de l’ONU pour faire pressions sur les décideurs politiques pour qu’ils réglementent leur industrie extractive et donnent un accès à la justice devant les tribunaux canadiens et ainsi que d’autres instances non judiciaires. Cette année, le gouvernement libéral a annoncé la création du poste d’ombudsman canadien indépendant pour la responsabilité des entreprises. C’est un important pas en avant. Les personnes qui affirment être victimes de violations des droits de la personne commises par des sociétés canadiennes du secteur des industries extractives et du vêtement à l’étranger pourront porter plainte auprès de cet ombudsman. Il est censé avoir le pouvoir de forcer la production de témoins et de preuve documentaire. Cependant, le bureau n’a pas été mis en place et nous ne savons donc toujours pas s’il aura ou non ces pouvoirs. Sans ces pouvoirs, ce ne sera pas un mécanisme de plainte crédible et efficace. Un autre élément est que le Canada continue à utiliser la même politique de 2014 en matière de responsabilité sociale des entreprises dans le secteur de l’extraction, héritée du gouvernement précédent. La politique est libellée de manière vague et est basée sur l’autorégulation. Il encourage les entreprises à « aligner leurs pratiques, le cas échéant » sur un éventail d’initiatives intergouvernementales et multipartites. Et cela ne répond pas aux exigences des Principes directeurs. Nous devons y remédier.

N: Comment?

PS: Le gouvernement soutient les entreprises à l’étranger de nombreuses façons: par le régime de pensions du Canada, par Exportation et développement Canada, par l’entremise de règles de droit qui facilitent la création de structures complexes et permettent aux sociétés de minimiser leur responsabilité même lorsqu’elle résulte de violations graves des droits de la personne. Nous soutenons également nos entreprises par l’entremise de missions commerciales et de négociations d’accords internationaux d’investissement avec des pays, y compris ceux dans lesquels les industries extractives canadiennes exercent leurs activités. Ces accords créent des protections fortes pour les investisseurs et leur permettent d’éviter les tribunaux nationaux et de soumettre les pays hôtes à l’arbitrage international. Si nous soutenons les entreprises de toutes ces manières sans se soucier de leur comportement, alors en tant que pays, nous sommes complices de ces violations des droits de la personne.

N: Les gouvernements devraient donc augmenter la pression sur ces entreprises?

PS: Oui et il y a plusieurs façons de le faire. Par exemple, comme condition de son soutien, EDC devrait demander aux entreprises de s’engager dans une vérification interne en matière de respect des droits de la personne et devrait elle-même entreprendre une évaluation de l’impact des projets sur ces droits. S’il est clair qu’un projet ne peut être entrepris sans les violer, devrions-nous soutenir cette entreprise?

N: Qu’est-ce qui doit donc changer pour que les gouvernements – au Canada ou ailleurs – conviennent de la nécessité d’inciter les entreprises en ce sens?

PS: C’est la grande question. Comment pouvons-nous développer une volonté politique en ce sens? Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat est un appel à l’action. Le GIEC nous a demandé de changer notre façon de vivre et de faire des affaires si nous voulons éviter une hausse des températures de 1,5 degré Celsius. Le rapport note que le développement durable est essentiel et que la justice et l’équité sociales [doivent être au cœur] des voies de développement résilient au changement climatique. […] Ici au Canada, nous devons réfléchir à la manière dont les entreprises extractives contribuent directement au changement climatique, en particulier le pétrole, le gaz et le charbon, mais aussi comment elles y contribuent indirectement. Nombre d’entre elles fonctionnent de manière non durable, en raison de leurs impacts sur l’environnement et sur les droits de la personne tant auprès des individus que des communautés.

N: Quelle serait la première bonne étape pour assurer une meilleure responsabilité des entreprises?

PS: La première étape pour le Canada serait d’adopter un cadre législatif complet qui obligerait les entreprises à respecter les droits de la personne et à mener des vérifications internes à cet égard. Ce cadre devrait être supervisé par un organe de surveillance indépendant. Il devrait également inclure une gamme de mécanismes incitatifs – nous en avons déjà parlé. Nous devons aussi établir la responsabilité de la société mère, voire de l’entreprise, devant les tribunaux canadiens lorsque des droits de la personne sont violés à l’étranger, ainsi que peut-être certaines obligations de déclaration. Enfin, lorsque des entreprises se livrent ou se rendent complices d’activités criminelles – comme l’esclavage, la torture, le travail forcé […] –, nous avons besoin de sanctions pénales pour permettre la poursuite des entreprises et des hauts responsables pour les décisions qui ont conduit à de tels comportements.

Source: http://nationalmagazine.ca/Articles/November-2018/Penelope-Simons-on-getting-companies-to-respect-hu.aspx

Communiqué – La Commission canadienne des droits de la personne accueille une nouvelle commissaire à temps partiel

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Communiqué de la Commission canadienne des droits de la personne

Le 22 novembre 2018 – Ottawa (Ontario) – Commission canadienne des droits de la personne

La Commission canadienne des droits de la personne a le plaisir d’annoncer la nomination par décret d’une nouvelle commissaire à temps partiel, Me  Joanna Harrington, LL.D., qui entre en fonction immédiatement.

Me Joanna Harrington enseigne le droit depuis une vingtaine d’années. Elle est actuellement professeure titulaire de la faculté de droit à l’Université de l’Alberta, après avoir enseigné à l’Université de Nottingham et à l’Université Western.

Ses cours et ses activités de recherche et de publication portent sur des sujets qui se trouvent à des points de jonction du droit constitutionnel et du droit international. Ses publications traitent notamment du droit des relations extérieures, du droit des organisations internationales, de l’influence réciproque entre les déclarations de droits nationales et le droit international en matière de droits de la personne, et d’enjeux de droit criminel international et transnational.

Autrefois universitaire en résidence au ministère des Affaires étrangères du Canada, Me Harrington a participé à la négociation de nouveaux instruments internationaux aux Nations Unies, à l’Organisation des États américains et à l’Assemblée des États Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Bon nombre de ses rédactions sur un éventail de sujets ont été publiées. La qualité de ses travaux en droit lui a notamment valu le Prix de l’Association canadienne des professeurs de droit pour l’excellence universitaire en 2018.

Me Harrington a aussi été consultante pour des institutions nationales et internationales, a participé à des programmes de rayonnement d’organisations non gouvernementales et a contribué à des programmes de formation en droit international destinés à des juges, à des diplomates et à des militaires.

Elle détient un baccalauréat ès arts de l’Université de la Colombie-Britannique, un doctorat en droit de l’Université de Victoria et un doctorat en droit de l’Université de Cambridge. Elle a été reçue au barreau de la Colombie-Britannique en 1995 et à celui de l’Ontario en 2002.

Source : https://www.chrc-ccdp.gc.ca/fra/contenu/communique-la-commission-canadienne-des-droits-de-la-personne-accueille-une-nouvelle-1

Le Canada sommé de rapatrier ses djihadistes

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Par Hélène Buzetti | Le Devoir

Photo: JM Lopez Agence France-Presse. Le gouvernement de Justin Trudeau dit craindre d’être incapable d’amasser les preuves suffisantes pour juger ces gens à leur retour au pays.

Le Canada doit rapatrier et juger ses ressortissants partis combattre avec le groupe État islamique (EI), estime le Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard. C’est un devoir dont il doit s’acquitter par respect pour les victimes et l’histoire.

« De manière générale, les États d’origine se doivent de prendre leurs responsabilités par rapport aux personnes détenues au centre de détention kurde en Syrie ou détenues par le gouvernement d’Irak », affirme Mme Callamard en entrevue téléphonique avec Le Devoir.

Les Forces démocratiques syriennes, les Kurdes qui contrôlent le nord de la Syrie, gèrent un complexe de détention où sont emprisonnés quelque 900 étrangers ayant combattu pour le groupe État islamique ainsi que 500 épouses et 1000 enfants. Dans une récente entrevue avec le réseau Global, un haut responsable kurde a demandé aux pays étrangers de rapatrier leurs ressortissants. Global a réussi à recenser 13 Canadiens emprisonnés là-bas, soit trois combattants, trois épouses (dont deux n’étant pas mariées à des Canadiens) et sept enfants.

Mme Callamard comprend la demande des Forces démocratiques syriennes. « Des autorités quasi étatiques qui sont en guerre et qui ont leurs propres priorités n’ont ni les moyens techniques ni la légitimité de détenir ces personnes et de mettre en place des procès justes », dit-elle.

Le Canada n’a rapatrié aucun de ses ressortissants, soutenant qu’il n’avait aucune obligation de le faire. Le gouvernement de Justin Trudeau dit aussi craindre d’être incapable d’amasser les preuves suffisantes pour juger ces gens à leur retour au pays.

Le Rapporteur spécial n’a cure de ces explications. « Je suis désolée de le dire, que ce soit aux Canadiens, aux Français ou à d’autres, mais on ne peut pas se cacher derrière la difficulté de l’enquête pour ne rien faire. Ce n’est pas possible. Pas pour des crimes de cette nature. On parle ici de génocide, de milliers de morts. C’est inimaginable, ce qui s’est passé. Aurait-on pu dire après le génocide au Rwanda que c’est trop difficile d’individualiser les crimes ? Non ! On ne peut pas dire ça. Ce n’est pas une bonne raison. »

La Syrie et l’Irak, les théâtres principaux des exactions commises par le groupe EI, ne sont pas parties prenantes de la Cour pénale internationale (CPI). L’instauration d’un tribunal en vertu du CPI n’est donc pas envisageable. Du côté de l’Irak, une équipe d’enquête dirigée par Karim Asad Ahmad Khan a été mise en place sur la base d’une résolution de l’ONU. Cette équipe, qui a commencé ses travaux fin août, a pour mission de colliger la preuve quant à la commission de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide. La preuve ne peut être utilisée que pour des procès tenus en Irak, à moins d’une permission expresse accordée par Bagdad.

C’est là que le bât blesse, de l’avis d’Agnès Callamard. L’Irak n’a pas intégré à son droit national des dispositions punissant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. Il y aura donc inadéquation entre la preuve recueillie et les accusations pouvant être déposées. « C’est un cul-de-sac ! » Les membres de l’organisation EI qui sont jugés en Irak le sont plutôt en vertu de la loi antiterroriste interdisant l’appartenance à un groupe terroriste. Les coupables sont presque systématiquement condamnés à la peine de mort.

D’une part, Mme Callamard déplore le manque de nuances de la justice irakienne. « Le cuisinier du groupe EI, oui, il leur a apporté à manger, mais quand même, ce n’est pas la même chose que la personne qui a commandité le génocide. » D’autre part, elle estime qu’au nom de la « reconnaissance historique », on ne peut qualifier seulement de terrorisme ce qui s’est produit là-bas.

« Ça fait cinq ans que nos représentants gouvernementaux, dont le Canada, dont la France, dont la Grande-Bretagne, nous disent que le groupe EI a commis des crimes de guerre et des génocides et, maintenant que nous avons finalement la possibilité d’enquêter, de juger et de rendre compte de ces crimes, on ne fait plus rien. C’est scandaleux. C’est un scandale de nature historique. » Selon elle, c’est comme si après l’Holocauste, le procès de Nuremberg n’avait pas eu lieu.

Des solutions de rechange ?

Comme Mme Callamard estime peu probable qu’un « mécanisme ad hoc » international, autre que la CPI, soit mis en place pour juger tous ces combattants, elle estime que les procès locaux sont la meilleure voie à suivre. Elle estime que le Canada est particulièrement bien outillé pour juger ses ressortissants puisqu’il s’est doté en 2000 d’une Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, considérée comme un modèle dans le monde.

Le Canada l’a utilisée à deux occasions, pour des Rwandais soupçonnés d’avoir participé au génocide de 1994 et se trouvant en sol canadien. Désiré Munyaneza a été reconnu coupable en 2009 et condamné à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide. Son procès a nécessité des séances en France, au Rwanda et en Tanzanie et coûté plusieurs millions de dollars. Jacques Mungwarere, lui, a été acquitté d’accusations similaires en 2013.

Fannie Lafontaine, professeure à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux, explique ce faible recours à la Loi par un manque d’argent.

« Il n’y a pas de limite au nombre de personnes qu’on peut poursuivre pour terrorisme ou meurtre. Mais pour les crimes de guerre, le gouvernement depuis 2008 octroie un budget de 15 millions de dollars à une unité interministérielle qui comprend les enquêtes, la GRC, les autorités d’immigration et Justice Canada. Ça inclut la prévention d’entrée au Canada, toutes les mesures d’expulsion. À lui seul, le procès de Désiré Munyaneza a coûté environ 6 millions. Ça donne une idée. » Le Canada privilégie donc les expulsions vers les pays d’origine, qui se comptent « par centaines ». Mais elles ne sont pas envisageables pour les citoyens canadiens, tout djihadistes qu’ils soient.

Mme Callamard admet que les procès dans les pays d’origine des combattants ne seront pas idéaux. « On aura au moins commencé à mettre en place un système de responsabilité. Au niveau du message, de la rapidité de ce qui peut être fait, il faut absolument qu’on commence ici. Il faut commencer quelque part et, pour l’instant, on n’a rien fait. »

Source : https://www.ledevoir.com/politique/canada/540143/le-canada?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Autopost&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1540893987

 

Rohingya: ce que le Canada peut faire dès maintenant

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Par Amanda Ghahremani, Mark Kersten et Fannie Lafontaine | Huffington Post

Le Canada doit contribuer au rétablissement de la dignité du peuple Rohingya en ayant recours à la justice et en s’assurant que les crimes commis ne demeurent pas impunis.

Malgré la déportation de centaines de milliers de civils et des allégations de génocide et de nettoyage ethnique, le peuple Rohingya s’est jusqu’à maintenant vu refuser l’accès à la justice. Un processus de réflexion créatif et novateur initié par la Cour pénale internationale (CPI) pourrait changer la donne. Le Canada dispose d’une opportunité unique de jouer dans la cour des grands et de s’engager de façon indélébile et durable en faveur de la justice pour un peuple qui le mérite désespérément.

Un pas vers une justice?

Le 6 septembre, des juges de la CPI ont décidé que la Cour avait compétence pour enquêter sur le crime de déportation possiblement commis par l’armée du Myanmar envers les Rohingyas, ces derniers ayant été forcés de fuir le pays vers le Bangladesh voisin. Ce jugement survient à la suite du nombre important d’interventions d’experts à la Cour en faveur d’un tel résultat, incluant le Partenariat canadien pour la justice internationale dont nous sommes membres.

Cette décision n’était pas sans controverse. La procureure en chef de la CPI a tout de même réussi à faire valoir que, parce que le crime de déportation est initié sur le territoire d’un État ne faisant pas partie de la CPI (Myanmar), mais complété dans le territoire d’un État membre (Bangladesh), la Cour avait compétence pour enquêter. Avec un Conseil de sécurité des Nations Unies hésitant et l’absence d’un tribunal régional pouvant faire justice, la décision de la CPI se présente comme étant la meilleure opportunité pour obtenir un certain niveau de justice pour le peuple Rohingya.

La décision de la CPI survient une semaine après la publication d’un cinglant rapport de l’ONU détaillant les mesures prises par l’armée du Myanmar pour opérer un nettoyage ethnique du pays et se débarrasser des Rohingyas et autres minorités. Le rapport de l’ONU recommandait spécifiquement que les hauts gradés de l’armée du Myanmar fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites pour crimes internationaux. Avec le jugement de la CPI, cette recommandation deviendra peut-être réalité.

Le rapport de l’ONU, qui fait état des violentes mesures employées par l’armée du Myanmar – notamment des exécutions extrajudiciaires, des viols et de la torture qui constituent des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre – a été reçu, à juste titre, avec indignation au Canada.

D’éminents avocats et défenseurs des droits de la personne ont publiquement demandé au gouvernement de révoquer la citoyenneté honorifique de la présidente birmane Aung San Suu Kyi après qu’elle eut été critiquée pour ne pas avoir utilisé son «autorité morale», afin de prévenir l’escalade de la violence au Myanmar.

Ce que le Canada peut faire

Le Canada a un rôle à jouer qui dépasse les mesures symboliques. En tant que membres d’un réseau d’universitaires et d’avocats canadiens travaillant sur la justice internationale – le Partenariat canadien pour la justice internationale – et de concert avec d’autres organisations partenaires, nous croyons que le Canada doit jouer un rôle de leader et nous exhortons le gouvernement à user d’initiatives au sein de la communauté internationale, visant à juger les responsables du génocide qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux.

Le Canada a déjà annoncé son intérêt pour un processus de paix visant à endiguer la violence. Le premier ministre Trudeau a nommé un envoyé spécial auprès du Myanmar, Bob Rae, et a annoncé plus tôt cette année que le Canada était déterminé à répondre à la crise des Rohingyas via de l’aide humanitaire et des mesures visant à traduire en justice les auteurs des violations flagrantes des droits de la personne.

Conséquemment, le Canada a sanctionné un haut gradé de l’armée du Myanmar en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus. Avec la publication dans le rapport de l’ONU de plusieurs nouveaux noms de hauts gradés responsables de crimes internationaux, le Canada devrait faire en sorte que ces individus soient ajoutés à sa liste des sanctions.

Mais concernant l’imputabilité pour les crimes, le Canada peut faire plus. Maintenant que la CPI juge qu’elle a compétence quant au crime de déportation et autres crimes connexes, le Canada devrait réfléchir au rôle qu’il peut jouer dans le but de faciliter la coopération et l’assistance juridique envers une CPI surmenée et en manque de ressources.

Il pourrait travailler avec d’autres États membres de la CPI dans la région pour référer le Myanmar à la Cour, comme cela a été fait dans le cas du Venezuela. Il pourrait aussi fournir à la CPI des fonds additionnels, comme il l’a fait suite à l’ouverture d’une enquête portant sur les atrocités au Darfour.

Après les attaques fallacieuses du conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, contre la CPI cette semaine, il est impératif que le Canada démontre plus que jamais son appui indéfectible à cette institution par des actions concrètes.

Le temps presse

La compétence de la CPI quant au crime de déportation ne couvre actuellement qu’un des nombreux crimes internationaux décrits par la mission d’établissement des faits de l’ONU, bien qu’elle pourrait être étendue pour inclure la persécution du peuple Rohingya. Pour qu’il y ait véritablement justice, les hauts gradés de l’armée du Myanmar doivent être tenus responsables de tous les crimes qu’ils auraient commis, incluant le génocide, les crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité. Les victimes aussi ont besoin d’une voie de guérison collective et individuelle.

Ainsi, le Canada devrait aider à établir un mécanisme indépendant d’enquête mandaté par l’Assemblée générale de l’ONU qui aurait pour but d’amasser et de préserver la preuve et de la préparer, pour qu’elle puisse être utilisée en temps opportun dans une cour de justice. Ottawa l’a déjà fait auparavant, avec le Mécanisme international, impartial et indépendant pour les atrocités commises en Syrie.

De plus, le gouvernement devrait sérieusement considérer soutenir une commission de vérité pour que les survivants Rohingyas se trouvant au Bangladesh puissent bénéficier d’une plateforme leur offrant la chance de partager leurs témoignages et pour qu’ils puissent faire entendre leur voix.

Le gouvernement canadien doit faire plus pour aligner sa politique étrangère avec les prérogatives des droits de la personne et la justice internationale. Dans cet ordre d’idées, nous avons appelé à la création d’un poste d’Ambassadeur canadien pour la justice internationale.

Le premier ministre Trudeau se plait à parler de «valeurs partagées». Qu’est-ce qui est plus important, voire essentiel, à partager que la valeur et l’engagement envers la dignité fondamentale? Le Canada peut – et doit – contribuer au rétablissement de la dignité du peuple Rohingya en ayant recours à la justice et en s’assurant que les crimes commis contre celui-ci ne demeurent pas impunis.

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Ce texte a été coécrit par Amanda Ghahremani, Directrice juridique du Centre canadien pour la justice internationaleMark Kersten, Fellow à la Munk School of Global Affairs et directeur-adjoint de la Wayamo Foundation, et Fannie Lafontaine, professeure de droit à l’Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux. Les trois auteurs sont respectivement collaborateur, cochercheure et co-directrice du Partenariat canadien sur la justice internationale. Cette opinion est appuyée par le Montreal Institute for Genocide and Human Rights Studies et Avocats sans frontières Canada.

Source : https://quebec.huffingtonpost.ca/amanda-ghahremani/rohingya-genocide-canada-actions-cour-penale-internationale-justice_a_23530202/?abc